L’urgence dans les addictions

L’urgence dans les addictions
Nelson Feldman

Lacan utilise le terme d’urgence dans le rapport de Rome : « Rien de créé qui n’apparaisse dans l’urgence, rien dans l’urgence qui n’engendre son dépassement dans la parole [1]. »

L’urgence est souvent un moteur dans la création de nouveaux dispositifs institutionnels, tant dans la clinique que dans la politique. En Suisse, dans les années 90, les « scènes ouvertes de la drogue » dans les villes alémaniques avec leurs drames d’overdoses mortelles et l’épidémie du VIH ont favorisé la création d’un réseau de soins aux toxicomanes et de réduction de risques.

Dans l’addiction, le verre à boire est toujours le verre en trop mais toujours le même. J.-A. Miller appelle cela une itération et non pas une répétition, car elle ne renvoie à aucun sens ni signification, c’est de la pure jouissance. Le sujet consulte pour se plaindre mais il ne  questionne pas le sens ni la satisfaction que cela lui procure. « Le sujet se trouve dès lors lié à un cycle de répétition dont les instances ne s’additionnent pas et dont les expériences ne lui apprennent rien. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui l’addiction. Et on l’appelle l’addiction précisément parce que ce n’est pas une addition [2]. »

L’addiction se présente souvent comme une solution et pas comme un problème pour le sujet « addict » qui, pendant longtemps, ne consulte pas. Mais, à un moment donné, la « solution » ne fonctionne plus et devient problématique. C’est alors que le sujet fait un pas pour consulter en caractère « d’urgence ». L’urgence peut se révéler sur le plan du corps qui ne résiste plus tout comme par le surgissement de l’angoisse, moteur de l’urgence subjective et d’une demande d’adresse à l’Autre.

L’accueil de cette urgence est fondamental à partir de la parole du sujet dans une clinique sous transfert. Cela diffère de l’application d’un protocole préétabli, très présent dans les institutions, qui peut figer les coordonnées du traitement.


1 Lacan, J., « Fonction et champ de la parole et du langage, », Écrits, Seuil, Paris, 1966, p. 241.

2 Miller, J.-A., « L’orientation lacanienne. L’Un tout seul », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’Université Paris 8, leçon du 23 mars 2011, inédit.