L’urgence de ce qui pousse

L’urgence de ce qui pousse
Russell Grigg

Certains sont dans l’urgence de rencontrer un analyste, d’autres y sont poussés. Mais, pour qu’une analyse commence, il faut que ce qui pousse devienne urgent. Une analyse ne commence réellement que lorsque ce qui pousse émerge comme urgence [urgent urge]. Une telle urgence répond à la rencontre par le sujet d’un traumatisme à l’endroit même où il a rencontré un trou, une béance, un « troumatisme » comme dit Lacan.

Cependant, comme nous en avertit Jacques-Alain Miller, l’urgence de ce qui pousse ne doit pas s’arrêter sur l’hypothèse, qui serait partagée par l’analyste et l’analysant, qu’une analyse prendra du temps et qu’il faut lui laisser suivre son cours. Cette hypothèse séduisante peut en effet servir de prétexte pour se réconcilier avec le report constant de l’acte. Soyons kantiens, et prenons plutôt comme maxime la formule suivante : « soutenez-vous dans l’urgence de ce qui pousse, et ceci de manière permanente ». Une seconde maxime kantienne suit la première comme corollaire : « agissez de manière à reconnaître que l’analysant est animé par quelque chose d’urgent qui pousse toujours vers une satisfaction particulière ». Mais quelle est cette satisfaction, demanderez-vous alors ? Cette satisfaction est le produit de l’analyse elle-même, et ce produit se situe derrière et au-delà de chaque phénomène transférentiel.

Cette mise en formule clarifie plusieurs choses pour moi, mais je n’en mentionnerai qu’une qui concerne l’ambivalence du transfert, déjà mentionnée par Freud. Par rapport au travail analytique, le transfert est à la fois un obstacle et un allié. Il est un obstacle parce que, en tant que répétition, il apparaît à la place des souvenirs. Il est un allié parce qu’il constitue le moteur même du travail analytique. Mais il y a une limite au transfert : si « l’inconscient transférentiel », selon le terme de J.-A. Miller, est une élucubration de savoir sur le réel, il finira toujours par révéler son impuissance à résoudre l’opacité du réel.

Traduction : Florencia F. C. Shanahan et Monique Kusnierek