L’urgence à l’adolescence

L’urgence à l’adolescence
Tom Margalit

Si l’urgence est ce à quoi nous avons affaire, et si l’urgence est en effet une question permanente pour nous – c’est-à-dire si elle est toujours déjà là – alors il nous faut nous demander, y a-t-il quelque chose de plus urgent à propos d’un cas d’adolescent par rapport à d’autres ? Un adolescent, pendant son parcours scolaire, est appelé à suivre un chemin qui couvre la distance entre l’enfance et la dite « maturité ». Par conséquent il se retrouve sous pression, dans l’urgence. Cela explique pourquoi tout ce qu’il amène avec lui, par ses mots, est toujours déjà urgent.

A. a été adressé à Tafsan par son école, à cause de ses absences. Il dit vouloir aller à l’école, mais qu’il n’y arrive pas. Chaque matin, avant l’école, il reste bloqué en face du miroir et constate qu’il ne peut pas supporter son reflet. Il lui faut des heures pour « corriger » son apparence. Le temps nécessaire à ce processus retarde inévitablement son arrivée à l’école. Ensuite, une fois entré dans la salle de classe, il voit que tout le monde le regarde.

A la séance suivante A. annonce qu’il vient de commencer à travailler. Il a réussi à trouver une manière de sortir de sa chambre ! Mais peu de temps après, cette « chose que j’ai » se reproduit. Prisonnier dans sa maison, il a ensuite perdu son travail. A. commença à annuler ses rendez-vous, en affirmant que « ça », ce dont il souffre et qui se manifeste comme la cause de son urgence, lui était arrivé de nouveau.

Comment A. peut-il trouver une voie de sortie de sa chambre d’une façon qui lui permette d’aller à l’école ? A. a constaté qu’il peut gérer quand, vis-à-vis d’événements imminents, il est moins agité. Cependant, il ne reconnaît pas cette excitation comme la cause de son sentiment d’urgence. On a choisi de lui demander : Quand est-ce que ça devient urgent pour vous, et pourquoi à ces moments-là ?

Tous les cas d’adolescence sont urgents et ce n’est pas l’intensité de la souffrance qui détermine la magnitude de l’urgence. La souffrance déclenche l’urgence, mais ne l’entretient pas. L’urgence permanente, comme je la vois, est propre à l’adolescence. C’est toujours là et c’est ce qui est présent le plus. Tafsan est appelé à intervenir pendant une période d’urgence définie « devenir-un-adulte ». Il tient compte de l’adolescent en urgence avec une réponse au détriment de la panique. Le discours analytique nous permet de dire autrement quelque chose en prenant en compte l’urgence de l’adolescence – qui devrait être conçue comme une urgence signifiée en tant que produit de la situation elle-même qu’elle aggrave.

Traduction : Lorenzo Speroni