Pourquoi pas la sublimation?

Pourquoi pas la sublimation?
Malka Shein

Miller, à propos de l’introduction de Lacan au Séminaire XI : « Ce qu’il appelle satisfaction oriente donc tout le cours d’une analyse. Comme elle se déploie essentiellement dans le malaise, le mal-être, l’inconfort, on peut isoler et accréditer ce qui surgit comme témoignage de satisfaction[1]. »

Dans « Malaise dans la civilisation », Freud déclare, « La joie de satisfaire un instinct resté sauvage, non domestiqué par le Moi, est incomparablement plus intense que celle d'assouvir un instinct dompté. […] Le problème consiste à transposer de telle sorte les objectifs des instincts que le monde extérieur ne puisse plus leur opposer de déni ou s'opposer à leur satisfaction. Leur sublimation est ici d'un grand secours. On obtient en ce sens le résultat le plus complet quand on s'entend à retirer du labeur intellectuel et de l'activité de l'esprit une somme suffisamment élevée de plaisir[2]. »

Pourquoi alors le concept de sublimation est-t-il absent de la riche bibliographie ainsi que des conversations préparatoires au congrès ?

J’ai trouvé une réponse dans le cours de Miller du 21 janvier 2009 : « Je préfère exploiter ce mot d’urgence avec sa référence à quelque chose qui pousse parce que cela nous décale de l’idée que l’on revient [en analyse] à cause du transfert. Il me semble que l’accent spécial que met Lacan sur l’urgence dissipe le mirage du transfert. Cela indique une causalité qui opère à un niveau plus profond que le transfert, à un niveau que Lacan qualifie de satisfaction en tant qu’elle est urgente et que l’analyse en est le moyen[3]. »

Le niveau de satisfaction qui s’exprime dans les cas d’urgence, l’urgence de la satisfaction pour l’être parlant, le parlêtre, se situe à un niveau plus profond que celui du transfert. Le dernier enseignement de Lacan axé sur  l’inconscient réel, le bien-dire et le savoir-faire est l’antinomie même du concept de sublimation sur la base de l’ego, du principe de réalité et du symbolique.

Traduction : Catherine Massol

1 Miller, J.-A., “La passe du parlêtre”, The Lacanian Review 6, “¡Urgent!”, NLS, Paris, 2018, p. 135.

2 Freud, S., Malaise dans la Civilisation, PUF, Paris, 1971, p. 22.

3 Miller, J.-A., “La passe du parlêtre”, op. cit.