Urgence du politique en Israël : « La théorie c’est bon, mais ça n’empêche pas d’exister »

Urgence du politique en Israël : « La théorie c’est bon, mais ça n’empêche pas d’exister »  
Marco Mauas

Nous avons tenu, le mercredi 9 janvier 2019 à Tel-Aviv, une soirée Zadig sous le titre, «  L’occupation, au delà de la gauche et de la droite » avec deux invités éminents : le journaliste de Haaretz, Gideon Levy, dit « le journaliste le plus controversé d’Israël », avec ses positions critiques impitoyables pour la droite, mais aussi pour la gauche qui selon lui n’existe plus, et Shaul Arieli, ex-colonel de Tsahal, ancien membre des commissions de la paix avec les Palestiniens, qui a une minutieuse connaissance du terrain incluant petits et grands détails des disputes. Notre ami Itzhak Benyamini, co-éditeur des éditions Resling où nous publions les Écrits de Lacan, m’accompagnant à la table fut un excellent modérateur des échanges passionnés avec le public présent.

Gideon Levy a l’idée qu’il est déjà trop tard pour une solution « à deux états pour deux peuples », que l’évacuation des colonies situées dans les territoires serait impossible et qu’il faudra se faire à l’idée d’un seul état démocratique avec des droits équivalents pour Palestiniens et Israéliens. Shaul Arieli considère pour sa part qu’il est encore possible de faire la bonne séparation. Il explique cela avec sa connaissance des innombrables détails du terrain, chose à laquelle Gideon Levy oppose comme argument la paralysie politique actuelle, la complète indifférence, et même le refoulement – il a utilisé le mot – de la majorité des Israéliens pour lesquels il y à peu de distance entre les lieux de travail et de loisir.

Le débat a été, selon les participants, très bon, orienté à bonne distance des politiques de parti, en dépit ou peut-être même grâce aux positions extrêmes de nos interlocuteurs.

Au moment où j’écris ce texte, nous préparons déjà le prochain rendez-vous Zadig. Un nouvel ami, le journaliste Oren Nahari, spécialisé en politique israélienne internationale, m’écrit qu’il redoute la possibilité de soutenir une discussion sans couleur droite-gauche. Je lui ai répondu inspiré par la veine de notre cher François Leguil que nous avions invité pour  donner un séminaire il y a deux semaines à l’hôpital militaire Shiba. Afin d’introduire la différence entre l’inconscient réel et l’inconscient transférentiel, il raconta comment Freud fut tellement touché par le mot de Charcot, « la théorie c’est bon, mais ça n’empêche pas d’exister », qu’au moment épouvantable d’abandonner Vienne sous la persécution des Nazis, il n’oublia pas d’emporter avec lui, à son cabinet de Londres, la célèbre illustration de Charcot dans sa présentation de patientes hystériques à La Salpêtrière. « Cher Oren, lui ai-je écrit, tu n’as pas été présent cette fois au débat Zadig, donc c’est très bien qui tu redoutes la possibilité d’une telle parole en Israël, mais, du fait de ton absence, c’est seulement de la théorie et ça n’empêche pas d’exister. » C’est la même réponse que j’ai en souffrance pour les théoriciens de la politique du BDS.


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