Die Not des Lebens

Die Not des Lebens
Anne Béraud

« Le but premier, (…) n’est pas de trouver dans la perception réelle un objet qui corresponde à ce que le sujet se représente sur le moment, mais c’est de le retrouver, de se témoigner qu’il est encore présent dans la réalité[1]. » Ainsi, dès l’origine, l’objet est perdu. « Si Freud parle de principe de réalité, – précise Lacan – c’est pour nous le montrer toujours par un certain côté tenu en échec, et n’aboutissant à se faire valoir que sur la marge, et par une sorte de pression […] que Freud appelle […] dans le texte allemand, die Not des Lebens. […] Quelque chose qui veut. Le besoin et non pas les besoins. La pression, l’urgence. L’état de Not, c’est l’état d’urgence de la vie[2]. »

Ce ça veut, Freud et Lacan nous l’indiquent comme traçant son chemin, en marge, poussé par l’urgence de la vie et se satisfaisant malgré tout. Le principe du plaisir fixe les trajets de la recherche de l’objet à retrouver, et soumet cette recherche à ne rencontrer que la satisfaction du Not des Lebens[3].

L’urgence de la vie se satisfait à travers la pulsion qui concerne le corps comme corps jouissant. Lacan a pu dire que le sujet est toujours heureux au niveau de la pulsion. En tant qu’activité corrélative de l'objet perdu, la pulsion produit une jouissance. Elle se satisfait même si le sujet peut en pâtir et s’en plaindre. En effet, l’activité de la pulsion est en infraction par rapport au principe du plaisir[4], mais poussée par l’urgence de la vie, elle trouve toujours à se satisfaire, et ça c’est du côté du principe de réalité. La satisfaction, c’est donc la vie même. Impossible d’y mettre fin autrement que par la mort. Toute la question est la façon de se satisfaire. Le symptôme remplit cette fonction, chargé de déplaisir. L’analyse réduit le symptôme à l’os l’évidant de sa chair souffrante. Il reste alors la lettre du sinthome, trace de jouissance et marque de l’absolue singularité.

Cet état d’urgence de la vie, consubstantiel dans mon cas à l’Hilflosigkeit, mon existence en porte la griffe.



1 Freud « La négation » (1925), Résultats, idées, problèmes, Tome II, Paris, PUF, 1985, p. 138, cité par Lacan, Séminaire VII, p. 65.

2 Lacan J., Séminaire VII L’éthique de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1986, p. 58.

3 Ibid., p. 72.

4 Cf. Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Donc », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de Paris 8, cours du 27 avril 1994, inédit.